RÉCIT. Et si on partait trois jours à vélo sur cette presqu’île bretonne, loin de la foule estivale ?

Au village suivant à Saint-Armel, nous descendons vers le Golfe pour un goûter au bord de l’eau. Déjà, le jour décline. « Le gotchial, il faut le manger pas le prendre en photo ! », lance une promeneuse. Ce qu’on s’empresse de faire bien évidemment… En face, les îles se découpent, dans un paysage couleur or. À droite, c’est la presqu’île du Passage. De l’autre côté, l’île Tascon. Une chaussée submersible y mène à marée basse.

De nuit, une véritable aventure

Le soleil descend rapidement sur l’horizon. Le frais se fait sentir. C’est le moment d’équiper les vélos de lumières et les cyclistes de vêtements plus épais. Bientôt, il fait tout à fait noir. La lueur de la lampe transforme la balade en une véritable aventure à travers les chemins. Les autres sens et l’imaginaire prennent le relais. En passant à côté d’un étang, le jeune cycliste s’exclame : « J’ai cru que c’étaient des rires diaboliques, mais c’étaient des canards ! » Une chouette hulule. Une chauve-souris passe dans le halo de la lampe. Ça grimpe un peu. On le sent dans les cuisses.

Finalement, on roule plus vite la nuit qu’en journée ! Nous voici déjà à Saint-Jacques, un village de Sarzeau, de l’autre côté de la presqu’île de Rhuys. Ici, on entend le grondement sourd de l’océan et on sent l’odeur du goémon. Les rues sont désertes. Pourtant, il n’est que 20 h. Quelques mois plus tôt, on aurait croisé la foule sur la promenade…

S’adapter à l’inattendu

Le lendemain matin, l’air est frais sur le port de Saint-Jacques. Nous redécouvrons les chemins de la veille en plein jour, reconnaissant les bâtiments qu’on distinguait à peine dans la pénombre : dans cette rue qui grimpe, la chapelle Saint-Jacques, puis un pigeonnier en ruines le long du chemin.

Nous filons à travers un chemin creux sous la voûte des arbres vers Sarzeau. Car il faut racheter des gants : ceux du jeune voyageur sont trop petits. Pas de magasin de sport à l’horizon, des gants de jardinage feront l’affaire. C’est ça aussi les voyages à vélo : s’adapter à l’inattendu !

Notre équipage continue sa route vers le château de Suscinio sur une piste cyclable royale… Ou plutôt ducale ! Déjà, on aperçoit les tours de l’ancienne demeure des ducs de Bretagne. Nous poussons quelques centaines de mètres plus loin jusqu’à la ferme fromagère de Rhuys. Ici, on fabrique de la tome de Rhuys avec le lait des vaches Pie Noir. Nous avons vu quelques-unes de ces petites vaches noires et blanches aux cornes en forme de lyre, la veille, dans les champs. Des veaux sont là dans l’étable, à côté d’une autre race locale, des jeunes porcs blancs de l’Ouest avec leurs oreilles qui tombent sur les yeux.

Un château majestueux

Après un bon repas fermier, direction le majestueux château de Suscinio. Pont-levis, déguisements à passer, légendes arthuriennes, visite sous forme de jeu de piste ou tir à l’arc : c’est un véritable piège à enfants ! Les adultes y trouvent aussi leur compte.

En sortant, il est 17 h passées. Un peu tard pour enchaîner sur la boucle d’une trentaine de kilomètres prévue jusqu’à la pointe de la presqu’île Rhuys. Le cairn de Petit Mont à Arzon, la pointe de Bilgroix et les courants de l’entrée du Golfe attendront une prochaine balade.

À la place, nous prenons le temps de descendre vers le marais de Suscinio, qu’on a admiré d’en haut depuis les mâchicoulis du château. Là encore, le soleil embrase la végétation. Même sans jumelles, on admire le ballet volant des groupes de mouettes et le cormoran qui se sèche les ailes.

Puis retour tranquille vers le port Saint-Jacques par la côte. Nous avions choisi d’y passer deux nuits, car les offres d’hébergement sont plus rares en cette saison. Nous nous engouffrons sur le sentier côtier à la pointe de Beg Lann. Nous poussons nos montures le long du sentier côtier désert. Le jeune cycliste en profite pour tester l’épaisseur de ses gants de jardinage. Verdict : les ajoncs, ça pique !

Pour le troisième, et dernier jour, la météo est plus grise. Le ciel est bas. Là encore, on adapte le parcours. Au lieu de passer par Le Tour-du-Parc et son centre d’interprétation de l’huître Ostréapolis, nous jouons la sécurité pour les horaires du train retour et prenons la route de Vannes directement. Ça sera l’occasion de flâner dans ce centre historique qui nous avait tant plu.

Malgré le temps gris, les tiges de blé noir moissonnées illuminent les champs en rouge ou jaune. Des couleurs aussi éclatantes que les fameuses feuilles d’érable du Canada à l’automne. Décidément, la Bretagne n’a rien à envier à l’été indien outre-Atlantique !

LE PARCOURS

Boucle en presqu’île de Rhuys au départ de Vannes. Distance : 96 km. Durée : 3 jours. Difficulté : facile (470 m de dénivelé au total). Sécurité : 47 % de pistes cyclables et chemins.

Circuits. L’espace Gravel golfe du Morbihan Vannes de la fédération française de cyclisme propose 9 parcours vélo autour de Vannes, dont la boucle des baroudeurs (218 km) qui sillonne la presqu’île de Rhuys au sud et les landes de Lanvaux au nord.

Marées. Le golfe du Morbihan change de physionomie selon les marées. Le pont tournant de Kérino, à Vannes, est ouvert pour le passage des bateaux deux heures avant et après la pleine mer. Dans ce cas, il faut passer par le tunnel routier, qui comporte une voie cyclable.

Bateaux. On peut revenir à Vannes par Séné en empruntant les navettes des Petits passeurs au Passage à Saint-Armel, mais seulement de mai à mi-septembre. Hors saison, il n’y a pas non plus de liaison maritime entre Arzon et Locmariaquer à l’entrée du Golfe. En revanche, deux îles sont desservies toute l’année : l’île d’Arz depuis Vannes et l’Île-aux-Moines depuis Port-Blanc.

À SAVOIR

Petite mer. Morbihan veut dire « petite mer » en breton. C’est cette mer intérieure de 12 000 hectares qui a donné son nom au département. Pourtant, il y a 5 000 ans, à l’époque de l’édification des sites mégalithiques qui parsèment le territoire, la petite mer n’existait pas. C’était une plaine traversée par trois grandes rivières et parsemée de collines, devenues aujourd’hui des îles.

Patrimoine mondial. Le 12 juillet 2025, les mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan ont enfin obtenu leur classement au patrimoine mondial de l’humanité. Une reconnaissance qui salue la concentration exceptionnelle de menhirs, dolmens et autres tumulus sur le territoire. Et si les alignements de Carnac sont les plus célèbres, la presqu’île de Rhuys n’est pas en reste avec l’immense tumulus de Tumiac ou le cairn du Petit Mont en bord de mer à Arzon.

À DÉCOUVRIR

Histoire de famille. Dans la famille Nicol, on est artisan cidrier depuis trois générations. C’est ce qu’on découvre lors du film introductif de la visite de la maison du cidre au Hézo. Un documentaire de 25 minutes qui montre la fabrication des élixirs locaux, avec les outils d’hier et ceux d’aujourd’hui. En sortant, dans le jardin, les branches des pommiers sont lourdes de fruits. C’est le moment de la récolte ! Puis vient l’heure de la dégustation. Le Guillevic, cidre composé à partir d’une seule variété de pomme, est léger. Avec ses bulles fines, il contraste avec le cidre brut au goût plus fermier.

Magique Suscinio. Derrière le pont-levis, le logis sur quatre étages du château de Suscinio a été bâti sous le duc de Bretagne Jean IV à la fin du XIVe siècle. C’était l’arrière-grand-père d’Anne de Bretagne. Entièrement restaurés, les lieux semblent vivants : buffet gargantuesque reconstitué, jeux médiévaux et même latrines se visitent. Sur les coursives, la vue est splendide. Puis place aux légendes arthuriennes. Et aux jeux ! L’animatrice de la visite sous forme de jeu de piste déroule l’histoire d’Alan, prisonnier en fuite.

OÙ MANGER ?

Ambiance chaleureuse. Après un bouillon d’accueil, les portions sont généreuses sans être trop copieuses au Pie Noir café, restaurant de la ferme fromagère de Rhuys. Route Duchesse Isabeau d’Écosse, à Sarzeau. Tél. 02 97 41 85 68. tomederhuys.fr

Au feu de bois. Pains biologiques au levain naturel, gourmandises sucrées et tartelettes salées parfaites pour un pique-nique : tout est fait maison à La Grange du boulanger. 41, route du Pont, à Theix-Noyalo. Tél. 02 97 43 26 09. lagrangeduboulanger.fr

Face à l’océan. Cuisine élaborée et maison à l’hôtel du Port. Mention spéciale pour le beurre fumé maison aux échalotes ! 15, rue du Port Saint-Jacques, à Sarzeau. Tél. 02 97 41 74 25. hotelduport-sarzeau.fr

OÙ DORMIR ?

Accueil vélo. Hors saison, la plupart des campings ferment leurs portes. Restent les gîtes d’étape, comme le Moulin vert à Arzon ou la Maison marine Marie Le Franc à Sarzeau. Gîte Moulin vert, tél. 02 97 53 70 05, esatarzon.hovia.fr ; Maison marine, tél. 02 97 67 42 19, loisirsbretagne.com

Après l’effort… Le manoir de Kerbot était la demeure d’une famille d’officiers du duc de Bretagne. Aujourd’hui, c’est un hôtel 4 étoiles, un restaurant gastronomique et un spa. Pour une pause reposante. Tarifs : à partir de 102 € la chambre double. Lieu-dit Kerbot, à Sarzeau. Tél. 02 97 26 40 38. hotelrestaurantkerbot.com

Face à la mer. Dans le port de Sarzeau, un appartement avec balcon face à la mer pour profiter du lever de soleil. Garage et local vélo. Tarifs : 218 € les deux nuits. 4, rue Hent Ty Guard, à Sarzeau. morbihan.com

Cet article est issu du nouveau numéro du magazine À l’Ouest , à retrouver en kiosque à partir du mercredi 29 octobre.

Mis en ligne le 27 octobre 2025 par jpl56

Origine : Ouest France