Consultation de l'article mis en ligne le 03 octobre 2025


« On est agressés verbalement presque une fois par semaine » : au cabinet médical d’Arzon, quand la frustration des patients fait « boom »

« On est agressés verbalement presque une fois par semaine » : au cabinet médical d’Arzon, quand la frustration des patients fait « boom »


Par Caroline Lafargue

Manque de généralistes, de spécialistes, de médicaments, de créneaux d’examens… Le ton monte vite dans les cabinets médicaux. À Arzon, qui semble pourtant bien tranquille, les agressions verbales font partie du quotidien, témoigne le Dr Valentin Proy.

Le médecin généraliste Valentin Proy et l’une des deux assistantes médicales du cabinet, à Arzon, Chloé Mousset : « Quand on ne peut pas répondre tout de suite à la demande d’un patient, on nous dit qu’on est méchante, on fait mal notre travail, on n’a pas d’empathie ». Au niveau national, les déclarations d’incidents à l’observatoire de la sécurité des médecins ont bondi de 26 % en 2024.
Le médecin généraliste Valentin Proy et l’une des deux assistantes médicales du cabinet, à Arzon, Chloé Mousset : « Quand on ne peut pas répondre tout de suite à la demande d’un patient, on nous dit qu’on est méchante, on fait mal notre travail, on n’a pas d’empathie ». Au niveau national, les déclarations d’incidents à l’observatoire de la sécurité des médecins ont bondi de 26 % en 2024. (Le Télégramme/Caroline Lafargue)

Arzon, ses résidences cossues avec vue sur mer. Ici 65 % des habitants ont plus de 60 ans. On s’attend à y trouver des salles d’attente pacifiques. « On est agressés verbalement au cabinet presque une fois par semaine, et au téléphone, c’est tous les jours », recense pourtant le Dr Valentin Proy, installé dans le bourg avec trois autres médecins généralistes. Un matin de septembre, il s’est retrouvé confronté à un patient qui n’était pas le sien. « On venait d’ouvrir. Le patient arrive avec des résultats médicaux, demande à voir son médecin, seulement mon collègue n’était pas là. Il commence à hurler sur l’une des assistantes médicales ». Valentin Proy sort de son bureau pour tenter de le calmer. Nouvelle hausse de décibels : « Vous allez faire quoi ? Vous allez me frapper peut-être ? », le nargue l’homme. Âge du patient ? 82 ans. « La plupart du temps, ce ne sont pas des jeunes qui nous agressent, mais des personnes âgées », constate le généraliste.


Les causes des agressions

Installé depuis 2019, le trentenaire a vu le climat se tendre dans son cabinet. « Depuis le Covid cette impatience et hostilité pour tout est croissante. Un patient qui nous gueule dessus, qui fait du mal verbalement à la secrétaire, ça nous touche ». Sans aller jusqu’aux insultes ni à l’agression physique. « Il n’y en aura jamais parce que, quand quelqu’un hurle, je sors de mon bureau. Je ne laisse rien passer », précise Valentin Proy.

Les déclencheurs ? Pour les baby boomers qui ont vécu un autre système de santé, l’adaptation n’est pas évidente. « Le médecin disponible à 23 h pour un rhume, ça, c’est fini, et il ne faut pas y revenir », estime-t-il. Et puis les généralistes ont le défaut d’être en première ligne. « Il manque des médicaments, il manque des spécialistes, il n’y a pas de rendez-vous d’IRM… Plus de la moitié du temps, on se fait engueuler pour des choses indépendantes de notre volonté ».

En tête des demandes qui deviennent des ritournelles : « Vous pouvez me trouver un rendez-vous chez le dermato ? » Mais en a-t-il vraiment besoin ? On ne fait pas un check-up de grains de beauté sans facteur de risque ». Le médecin y voit aussi le symptôme « d’une culture de surconsommation. Nous sommes aussi un peu fautifs. C’est comme les IRM, ce n’est pas automatique ».

Signalements à l’ordre des médecins

Même si ces agressions verbales « restent une goutte d’eau parmi les 2 500 patients différents que je vois chaque année, tempère Valentin Proy, avec la fatigue, les contrariétés de la journée, parce qu‘on n’annonce pas que des bonnes nouvelles, à un moment, cette hostilité, on ne la supporte pas ».

À chaque fois qu‘il y a un conflit, il informe l’ordre des médecins du Morbihan. « C’est pour être protégé au cas où le patient se plaindrait à l’ordre. J’explique que la confiance est rompue. La relation médecin-patient, c’est un peu comme un couple, si ça ne se passe pas bien, on se sépare ».

À l’ordre des médecins, ces signalements arrivent toujours plus nombreux : « En 2024, on a reçu cinq plaintes pour agressions et violence ; neuf pour vols d‘ordonnances ou falsifications, et 18 informations d’arrêt de prise en charge d’un patient », détaille le secrétaire général adjoint, le Dr Christian Lemarchand. Il s’alarme de l’impact des impatiences des patients : « Cela ne va pas favoriser l’installation et l’intérêt de la jeunesse vers la profession ».

Mis en ligne le 03 octobre 2025 par JPL56

Origine : Le Télégramme


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