Principalement utilisés dans l’épandage agricole, les sédiments des dragages des ports, une fois traités aux lagunes de Tohannic, à Vannes (Morbihan), pourraient prochainement trouver d’autres débouchés comme matériaux de construction. Explications.

Comment fonctionnent ces lagunes de Tohannic ?

Cette plateforme de traitement des boues est « principalement destinée aux sédiments issus de dragages portuaires », décrit la Compagnie des Ports du Morbihan dans son rapport présenté lors du conseil municipal du lundi 29 septembre 2025. L’objectif est de faire baisser la teneur en sel de ces sédiments en les exposant à l’eau de pluie et, dans le même temps, de les assécher à l’air libre.

Implanté à l’arrière du Carrefour Market de Tohannic, ce site de cinq hectares est composé de deux lagunes d’une capacité totale de 100 000 m³. La Compagnie des Ports exploite cet équipement depuis 2019 et, via l’avenant débattu par les élus vannetais ce lundi, la concession vient d’être prolongée jusqu’en 2033, soit cinq années supplémentaires.

Que deviennent ces sédiments par la suite ?

Ces matériaux sont valorisés dans diverses filières comme la constitution de merlons paysagers à l’exemple du talus anti-bruit le long de la RN 165, à La Trinité-Surzur, ou du merlon anti-bruit aux abords d’aires de jeux à Vannes.

D’autres débouchés sont la valorisation agricole par épandage car le matériau marin permet de rééquilibrer l’acidité des sols, ou le remblaiement d’anciennes carrières dans le cadre de leur réhabilitation.

La Compagnie des Ports souligne également une « prospective vers des développements de béton (corps-morts, mobilier urbain,…), d’enduits et de céramiques (briques décoratives, objets courants…) ». Actuellement, la revalorisation est agricole à 70 %, à 29 % dans les merlons paysagers, et à 1 % dans le béton, enduit, céramique.

Quelles sont les nouvelles pistes de revalorisation ?

« La majorité des valorisations actuelles de matériaux des dragages se font par des opérations ponctuelles. Un travail de fond est engagé afin d’industrialiser les filières de valorisation », annonce le rapport. Les principales pistes sont d’intégrer les matériaux valorisés dans les sous-couches de cheminements doux (pistes cyclables…) ou d’industrialiser l’introduction de sédiments dans des bétons préfabriqués : « L’implantation d’une centrale à béton mobile est envisagée en 2025 sur le site de Tohannic afin de réaliser des tests grandeur nature ».

Pour l’heure, le modèle économique patine et ce travail sur « l’optimisation des filières de valorisation » est aussi une des raisons pour lesquelles la concession à la Compagnie des Ports a été prolongée.

Quelles quantités de sédiments sont accueillies dans ces lagunes ?

Depuis 2019, le site a accueilli quelque 138 000 tonnes de matériaux, dont 68 000 tonnes ont fait l’objet de revalorisation. Ces lagunes de Tohannic accueillent bien entendu des sédiments de Vannes – comme plus de 50 000 tonnes issues du dragage des ports de plaisance et de commerce en 2020 ou encore 130 tonnes de sédiments extraits de la piscine de Conleau en 2021 -, mais aussi des matériaux d’ailleurs : ports de Saint-Jacques à Sarzeau, du Crouesty à Arzon, ou encore de Pornichet (Loire-Atlantique) ; curage d’un bassin pluvial d’Auray…

Pour ses apports extérieurs, la Ville touche une redevance de 5,50 € par m³ (sachant qu’une tonne correspond à 0,74 m³). En 2024, le montant s’élève à 153 000 €.

Quand aura lieu le prochain dragage du port de Vannes ?

« À part environ 4 000 m³ complémentaires dragués sur La Trinité-sur-Mer entre 2025 et 2026, il est prévu de ralentir le rythme d’apport de matériaux afin de vider au maximum des lagunes en prévision du prochain dragage du port de Vannes (environ 25 000 m³) qui se fera hydrauliquement à l’horizon 2026 », annonce la Compagnie des Ports.

D’autres opérations d’envergure sont ensuite prévues à partir de 2028 avec des projets de dragages sur les ports de Port-Haliguen à Quiberon (20 000 m³) et sur le port de La Trinité-sur-Mer (50 000 m³).

L’opposition pointe une « information tardive »

La présentation de cet avenant a suscité des réactions dans l’opposition lors du conseil municipal. François Riou (Vannes, unie, sociale, écologique et citoyenne) et Franck Poirier (Ensemble, libérons les énergies vannetaises) se sont notamment étonnés des redevances demandées à la Compagnie des Ports et que « le conseil municipal ne soit informé que tardivement des difficultés économiques rencontrées par la Compagnie des Ports. Cela n’est apparu dans aucun rapport auparavant ». Les deux élus ont alors plaidé pour la transmission d’éléments complémentaires car, pour François Riou, « on aurait pu aider en lançant un appel à manifestation d’intérêt », et ainsi contribuer à trouver des filières de revalorisation.

Pour Gérard Thépaut, adjoint en charge de ce dossier, « la Compagnie des Ports nous a informé dès 2022 qu’il y avait une surestimation des débouchés dans les filières de revalorisation. Pour autant, il y a toujours eu satisfaction sur le procédé technique car il évite le clapage (le déversement) en mer ».

Et le maire David Robo d’ajouter : « Ce modèle a été cité en exemple au niveau national mais le modèle économique a été fragilisé par différents facteurs, comme les passages de camions et la météo qui ont demandé d’engager des travaux sur les lagunes. » Le maire a enfin noté la demande d’éléments complémentaires formulée par les deux groupes d’oppositions qui, en attendant, se sont abstenus sur cette délibération