Consultation de l'article mis en ligne le 12 juillet 2025

Mégalithes à l’Unesco : « Ma principale satisfaction, c’est d’être allé au bout »

ENTRETIEN. Mégalithes à l’Unesco : « Ma principale satisfaction, c’est d’être allé au bout »

Depuis 2014, Olivier Lepick, le président de l’association Paysages de mégalithes – également maire de Carnac (Morbihan) – défend et accompagne ce projet d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Un dossier complexe qui fut long à bâtir et riche en rebondissements. Retour sur les hauts et les bas de cette odyssée…

Olivier Lepick, maire de Carnac (Morbihan), devant l’un des sites mégalithiques de la commune, début juillet 2025.
Olivier Lepick, maire de Carnac (Morbihan), devant l’un des sites mégalithiques de la commune, début juillet 2025. | THIERRY CREUX / OUEST-FRANCE

C’est fait. Les mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan sont officiellement inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Une décision actée lors de la session du comité du patrimoine mondial de l’Unesco, ce samedi 12 juillet 2025, à Paris. Une première pour la Bretagne. Entretien avec Olivier Lepick, maire (Horizons) de Carnac et président de l’association Paysages de mégalithes, qui porte ce projet d’inscription depuis 2012.

Vous êtes le président de Paysages de mégalithes depuis juin 2014. Onze ans plus tard, mission accomplie : est-ce d’abord un soulagement ?

J’étais déjà très rassuré depuis l’avis favorable de l’Icomos (Conseil international des monuments et des sites, ONG qui a un rôle consultatif majeur pour l’Unesco), en mai dernier. Le fait d’avoir pu lire cet avis clair et élogieux de la part de ces experts a été un immense soulagement. Il y a eu tellement de péripéties dans ce dossier, de choses imprévues… Ma principale satisfaction, c’est d’être allé au bout. Il n’y avait pas de site breton inscrit au patrimoine mondial, et surtout pas de site qui était intimement lié à notre histoire, à notre culture, au sentiment d’être breton. Ce dossier coche toutes les cases. Il s’est passé quelque chose à cet endroit précis dans l’histoire de l’humanité qui est exceptionnel et mystérieux.

En quoi ce dossier était-il plus complexe que d’autres ?

C’était un dossier paradoxalement compliqué parce que, contrairement à d’autres, ce n’est pas l’Unesco qu’il fallait convaincre. Ça fait plus de dix ans que ses représentants nous disent d’y aller. C’était une évidence. La phrase que j’ai le plus entendue, c’est « ah bon ! Ce n’est pas déjà classé ? ». Il fallait surtout faire en sorte que tout le monde travaille dans le même sens pour porter ce dossier qui réunit vingt-huit communes, deux intercommunalités, un Département, une Région.

Le paléontologue breton Yves Coppens espérait en 2012 un délai de trois ans pour obtenir cette reconnaissance. Pourquoi a-t-il fallu attendre 2025 ?

J’ai souvent pesté contre les lourdeurs administratives françaises. Mais si le dossier a mis autant de temps, c’est que les exigences de l’Unesco ont augmenté au fil des années, et qu’un certain nombre de préoccupations parfaitement légitimes sont aussi apparues : la protection de l’environnement, le réchauffement climatique, le surtourisme. Un dossier Unesco, aujourd’hui, c’est beaucoup plus complexe. Pendant la constitution de ce dossier, on a classé entre 60 et 80 monuments historiques supplémentaires. Même l’affaire de Montauban (des menhirs détruits par un chantier en juin 2023) nous a permis de constater qu’il y avait des trous dans la raquette. On a pu corriger pas mal de choses. Trois ans, c’était probablement irréaliste.

Les alignements de Kerzerho à Erdeven sont parmi les plus impressionnants du Morbihan. | VINCENT MICHEL / OUEST-FRANCE

Il a aussi fallu surmonter le traumatisme « Menhirland », projet controversé des années 1990. L’adhésion de l’association Menhirs libres en 2016 fut-elle un moment clé ?

Ça a été un symbole très très fort, qui montrait que ce dossier ne se faisait pas contre les Bretons mais avec les Bretons. Je pense que ce qui a fait capoter l’approche des années 1990, c’était une approche purement étatique. La population locale et un certain nombre de Bretons se sont sentis dépossédés de leur patrimoine. Ça n’a pas été simple de convaincre Menhirs libres de nous rejoindre, mais je leur ai toujours dit : « Vous gardez votre libre arbitre ». Rémy Cochen, qui siège au conseil d’administration, a toujours gardé sa liberté de parole.

Quels ont été les ingrédients qui ont permis de convaincre ?

On a fait un gros travail de pédagogie dans les écoles de toutes les communes, on a fait des réunions publiques. Mais il y a surtout eu une prise de conscience, une évolution des mentalités. On ne pouvait plus laisser ces sites en ouverture totale aux visiteurs. Tout le monde marchait dans les alignements, tout le monde montait sur les menhirs, jusqu’à ce que quelques-uns de ces menhirs commencent à tomber. Ce qui s’est passé dans les années 1990 a été un traumatisme, mais il fallait bien faire quelque chose. J’ai bénéficié d’une prise de conscience que j’associe aussi à la renaissance de la culture bretonne, à la même époque. Le menhir est un objet breton, fondamentalement associé à notre culture.


Pourquoi ce dossier a-t-il été nommé « Mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan », alors que Carnac n’est qu’une commune parmi d’autres ?

Je ne vais pas mentir en disant que le maire de Carnac ne s’y retrouve pas, mais c’était à la main du comité scientifique, piloté par Yves Coppens, et totalement indépendant. Dans le nom d’un dossier, il y a aussi une dimension marketing. Le vaisseau amiral, le cœur du réacteur, pour l’Unesco, c’est Carnac, qui est une marque mondiale.

Votre principal regret ?

Ce n’est pas l’épisode de Montauban - qui m’a fait passer pour le Jacques Mesrine du mégalithisme – mais le décès d’Yves Coppens (en juin 2022). J’aurais tellement aimé qu’il soit témoin de cette inscription. Il a été le chef d’orchestre de toutes les premières étapes, en tant que président du comité scientifique. Ce n’était pas un spécialiste du Néolithique, mais c’était une personnalité solaire, joviale, à l’aura scientifique exceptionnelle et totalement incontestable. Il faisait taire les dissensions. Il a joué un rôle fondamental et son absence est donc un vrai déchirement.

Tout ne s’arrête pas à cette inscription. Quelle est la prochaine étape ?

Une inscription, ça s’obtient, mais ça se perd aussi. La prochaine étape, à laquelle on réfléchit déjà avec David Lappartient (président divers droite du Département) est liée à la gouvernance. Aujourd’hui, certains sites du périmètre Unesco sont gérés par le Centre des monuments nationaux (qui dépend du ministère de la Culture), d’autres le sont par le Département, par des communes, par des privés. Pour Gavrinis, c’est la compagnie des ports ! Bref, on doit désormais apporter encore plus de cohérence dans la signalétique, l’expérience visiteur. Soit ça passe par la création d’une entité nouvelle, soit c’est une compétence qui peut revenir à Paysages de mégalithes. Tout est sur la table.

Mis en ligne le 12 juillet 2025 par jpl56

Origine : Ouest France


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