Consultation de l'article mis en ligne le 19 décembre 2024

à Arzon la riche, la pauvreté a un visage

« Pendant 25 mois, je n’ai touché que 252 € » : à Arzon la riche, la pauvreté a un visage

Par Loïc Berthy

Il y a des pauvres à Arzon. 232 très exactement, selon l’Observatoire des inégalités qui a publié un rapport sur la pauvreté en France le 5 décembre. Rencontre avec Charles et Jean-Dominique à la permanence du Secours catholique.

Charles (à gauche) et Jean-Dominique (au centre) sont des habitants démunis qu’accueillent les bénévoles du Secours catholique d’Arzon lors des permanences du mardi au presbytère.
Charles (à gauche) et Jean-Dominique (au centre) sont des habitants démunis qu’accueillent les bénévoles du Secours catholique d’Arzon lors des permanences du mardi au presbytère. (Le Télégramme/Loïc Berthy)

Arzon, sa thalasso, ses beaux bateaux, ses plages bondées l’été, ses prix de l’immobilier prohibitifs… et ses pauvres. À Arzon, selon l’Observatoire des inégalités, il y a 232 personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. Un seuil que cet organisme indépendant situe à 1 014 € pour une personne seule, 1 500 € pour un couple sans enfant ou encore 2 500 € pour un couple avec deux enfants de plus de 14 ans. Le rapport que l’Observatoire des inégalités a rendu public le 5 décembre indique donc que le revenu d’un habitant sur dix de la commune d’Arzon est en dessous de ce niveau plancher. Et même que la moitié de cette population qui vit dans la précarité dispose de moins de 828 €.

C’est le cas de Jean-Dominique Marcel. Cet homme de 73 ans, rencontré à la permanence que le Secours catholique tient chaque mardi, vit avec 800 € par mois. « Je me serre la ceinture », lâche laconiquement ce retraité. « Quand on n’a que 800 €, ça ne laisse aucune place pour les loisirs ». Jean-Dominique dit connaître quelqu’un dont le revenu mensuel est de 500 €, l’air de dire qu’il y a pire que lui.

252 € par mois

L’extrême pauvreté, Charles Pauchard, 71 ans, a connu. « Pendant 25 mois, je n’ai touché que 252 €. J’étais dans la survie. J’ai fait le dos rond. Je me suis éclairé à la bougie tout un hiver. J’ai calculé : ça coûte 3 centimes de l’heure. » Comme un jalon dans sa période de grande disette, ce retraité se souvient n’avoir bu qu’une bière, en tout et pour tout, en 2022. Ancien plombier, il a sombré dans la pauvreté « à cause d’une maladie chronique grave contractée il y a 28 ans. J’étais à Paris à l’époque. J’ai eu la très mauvaise idée de me mettre à mon compte. Ça n’a pas marché ». Charles a hérité il y a quatre ans de la moitié de la maison de ses parents dans le centre d’Arzon. Un bâti qu’il retape comme il peut, avec l’espoir de faire un logement à l’étage et une petite galerie d’art en rez-de-chaussée.

À la permanence du Secours catholique, les personnes démunies peuvent profiter de légumes frais que donne un maraîcher présent sur le marché de la commune.
À la permanence du Secours catholique, les personnes démunies peuvent profiter de légumes frais que donne un maraîcher présent sur le marché de la commune. (Le Télégramme/Loïc Berthy)

Une intensité de la pauvreté élevée

Au presbytère de l’église, ces personnes démunies partagent un café et du gâteau avec les bénévoles du Secours catholique. Ils sont une dizaine à venir ainsi, plus ou moins régulièrement. Ces habitants repartent avec des légumes que donne un maraîcher sur le marché.

Dans le rapport de l’Observatoire des inégalités, Arzon occupe la toute première place en Bretagne sur l’indice qui évalue l’intensité de cette pauvreté. Il y est de 28 % dans la commune. Ce que cela veut dire, c’est que certains pauvres Arzonnais sont très pauvres, à l’image de la période très compliquée qu’a vécue Charles Pauchard.

Au CCAS d’Arzon, il n’y a pourtant que douze familles qui bénéficient d’une prise en charge de la Banque alimentaire. Sa directrice Carole Dréan ne s’y retrouve pas dans le tableau de la pauvreté dressé par l’Observatoire des inégalités. Même si elle reconnaît qu’il « y a la problématique des saisonniers que l’on touche peu ».

En contrepoint, l’action publique

Or ces saisonniers constituent une part non négligeable des actifs d’Arzon. « Arzon, à cette saison, c’est désert. Il n’y a pas un chat, donc pas de travail. Les métiers saisonniers sont des métiers précaires. Tout comme le sont les auxiliaires de vie. Et il y en a beaucoup sur la commune parce que nous avons beaucoup de personnes âgées. Arzon, c’est un paradoxe, avec des pauvres et à l’inverse des gens qui sont très riches », confie Philippe Druelle, maire adjoint chargé des affaires sociales. Un élu, qui en contraste, met en avant la politique volontariste menée par la commune, avec un service d’aide à domicile public, une résidence autonomie et un parc de 130 logements sociaux.

Mis en ligne le 19 décembre 2024 par jpl56

Origine : le Télégramme


Fermer